L’automobile est un domaine parfois étrange : il arrive que l’on oublie des modèles qui ont pourtant marqué leur temps. La Lancia Thema 8.32 fait partie de ces voitures mythiques tombées aux oubliettes.
La Thema : le haut de gamme façon Lancia
En 1984, Lancia, marque haut de gamme du groupe Fiat, sortait la Thema, une grande routière plutôt élégante, basée sur la plateforme « Tipo 4 » utilisée également chez Fiat, Alfa Roméo et SAAB.
Disposant de moteurs turbo-diesel, essence et en particulier d’un bloc 2.0 L turbo essence à 4-cylindres et 165 chevaux (185 ch puis 201 ch par la suite) qui officiait en tant que motorisation la plus puissante jusque-là, la Thema faisait un peu pâle figure par rapport aux concurrentes allemandes qui proposaient des moteurs un peu plus puissants mais surtout plus séduisants.

Pour soigner son image, quoi de mieux qu’un moteur prestigieux, un V8 par exemple ? Ce fut exactement l’idée des dirigeants de Lancia en allant piocher dans la banque d’organes de son cousin Ferrari, faisant alors partie du groupe Fiat. En l’occurrence, il s’agit d’un organe qui faisait les beaux jours de la Ferrari 308 GTB Quattrovalvole : la fameux V8 de 2927 cm3 développant 215 ch (205 ch sur les versions catalysées) et doté, comme son nom l’indique de 4 soupapes par cylindres. Vous aurez certainement compris l’appellation logique donnée à ce modèle unique en son genre : « 8.32 » ne correspond pas à une hypothétique cylindrée mais au nombre de cylindres suivi du nombre de soupapes. Lors de sa sortie en 1986, la légende dit que cette grande berline devait porter le nom de « Thema Ferrari » mais Enzo Ferrari s’y serait opposé. Equipée de la sorte, la Thema est devenue alors la routière de série à traction avant la plus puissante jamais produite. Un titre qu’elle ne garda que quelques mois…



Lancia Thema 8.32 : la sauce n’a pas pris
La Thema la plus puissante de la gamme a eu une carrière finalement assez longue. Produite de 1986 à 1992, elle a été produite à exactement 3537 exemplaires, soit environ 600 modèles vendus par an. C’est peu, surtout comparé aux spécialistes de la catégorie, BMW et Mercedes en tête. Mais pourquoi le succès n’a pas été au rendez-vous ?
Les raisons sont nombreuses. Il faut déjà aller voir du côté des modifications mécaniques effectuées. En greffant ce bloc sous le capot de l’italienne, les ingénieurs ont modifié le vilebrequin et l’ordre d’allumage, avec pour principale conséquence, un son beaucoup moins présent et mélodieux. Dommage, quand on reçoit un moteur aussi prestigieux, ce n’est pas seulement pour profiter de la cavalerie, c’est aussi pour le plaisir des oreilles…

Autre petit désagrément, les performances étaient à peine supérieures à celles du 4-cylindres Turbo i.e. Avec un 0 à 100 km/h réalisé en 6.8 secondes, les 1400 kg ne faisait pourtant pas peur aux gros V8 du cheval cabré mais le bloc maison suralimenté avait une excellente santé. Si bien qu’en regardant de près la différence de prix plutôt conséquente entre ces deux propositions, en tenant compte du côté gourmand du V8 de Maranello (comptez pas loin de 15 litres aux 100 km…), les acheteurs devaient y réfléchir à deux fois avant de signer le bon de commande pour ce fameux V8, qui n’apportait finalement qu’une sonorité plus sympathique et un vrai prestige…
Autre défaut de taille : la tenue de route. Le 8-cylindres entraînait les roues avant et face à une telle cavalerie, l’essieu avant de la Thema avait bien des difficultés à endiguer ce surplus de puissance et de couple, encore plus sur chaussée humide. Qui plus est, elle sous-virait allégrement dans les virages. Peut-être aurait-il fallu prévoir une déclinaison à 4 roues motrices !


Le mot de la fin
Intéressante, la Thema 8.32 l’était assurément. Même adouci, le caractère du V8 allait parfaitement bien à cette élégante routière qui en profitait pour se transformer en un véritable modèle haut de gamme où les moquettes épaisses côtoyaient les placages de bois précieux, l’alcantara ou même le cuir Poltrona Frau en option. Un habile mélange entre sport et confort qui ferait certainement le bonheur de nombreux collectionneurs à l’heure actuelle. Mais cette « Lancia by Ferrari » (appellation d’ailleurs marquée sur le couvre-culasse du moteur) se fait rare sur le marché de l’occasion.
Etonnament, sa rareté ne fait pas augmenter sa cote qui reste très raisonnable. Les deux dernières transactions recensées dans l’hexagone se sont faites à des prix relativement modiques : entre 10 000 et 16 000 €. Reste à avoir les reins solides pour supporter les frais d’entretien…